vélo Moselle la revue de presse de Jean Pierre Marcuola
Mis à jour le 21-Déc-2011 9:57
 
 
 
 
 
LES BILLETS D'HUMEUR DE JEAN PIERRE MARCUOLA
 
DÉSAMOUR


Le divorce est donc consommé entre le bon peuple allemand et le cyclisme sur route ! En une petite décennie – 10 ans, une misère ! – ce dernier sera passé du pinacle où l’avait hissé la déferlante Ullrich en 1997 aux abîmes de l’Enfer au fond desquels brûlent les damnés ! La dégringolade ! De la passion au désamour ! De l’enthousiasme au mépris !

Le flot ininterrompu des scandales liés au dopage aura eu raison du coup de foudre né du triomphe de l’un de ses fils dans la plus grande course du monde, une première historique pour la fière Allemagne. Bâillonnés, privés de lieux de culte, les fans de vélo – il s’en compte encore beaucoup en Allemagne ! – devront ronger leurs freins. Les voici orphelins de leurs idoles auxquelles ils ne pourront plus accorder de dévotions religieuses puisque ce cyclisme gangrené vient d’être condamné à l’euthanasie par les gardiens de l’éthique sportive. Dans les pelotons internationaux figuraient décidément trop de tricheurs irresponsables qui narguaient le législateur avec un rare aplomb. Cette fois, les instances dirigeantes reprennent la main par des sanctions extrêmes, radicales, excessives ! Les chaînes de la Télévision publique allemande rayent de leur programmation les directs sur la Grande Boucle 2009. Oseraient-elles semblable boycott si les clubs-phares de la Bundesliga – le Bayern, Schalke 04 ou le Hambourg SV – soumis à la même traque impitoyable, révélaient en leur sein des brebis galeuses du même acabit ? On en doute.

Ayant du coup un pied dans la tombe, le Tour d’Allemagne est poussé sans ménagement vers les oubliettes où croupissent déjà le Tour de Rhénanie-Palatinat et le Henninger Turm de Francfort. Evidemment, les parraineurs se raréfient au grand désappointement d’une génération privée de ses structures et de ses terrains d’expression. Or, le paradoxe veut que la Fédération allemande n’ait jamais possédé autant de jeunes pépites au talent sûr – Ciolek, Gerdeman, Greipel, Klemme… – dont le devenir sera hélas sacrifié sur l’autel de l’éthique. Pourtant, la rédemption serait sans doute venue de la volonté de cette jeunesse d’imposer les valeurs d’un nouveau cyclisme auquel elle croit.

Ainsi, outre-Rhin, un sport populaire est mort d’avoir focalisé toutes ses attentions sur les prospérités du Vice quand il eût fallu d’abord s’émouvoir des infortunes de la Vertu.

 

Octobre 2008
SERMENT D’HYPOCRITES


Longtemps, le Tour de France a su préserver son jardin secret. Longtemps, il est parvenu à taire ses déviances, ses addictions, ses mœurs critiquables, ses artifices cautionnés par la loi du silence. Parce que, longtemps, il n’a distillé que du rêve, du bonheur et de l’émotion. Mais un jour de juillet 1967, un homme a payé de sa vie son désir effréné d’appartenir à sa légende. Tom Simpson était mort de l’avoir sans doute trop aimée ! Petit à petit, les consciences s’éveillèrent, les yeux s’ouvrirent, les vérités s’affichèrent. Trois décennies plus tard, implosait la bombe Festina. Ce coup de tonnerre dans un ciel soudain obscurci révéla au grand jour les pratiques inavouables des pelotons. Le Tour était malade de sa propre légende, celle-ci souillée, bafouée, profanée par ceux-là mêmes qui avaient en charge d’en écrire les belles pages de l’ère moderne.

Depuis lors, les thérapeutes les plus réputés se sont succédé à son chevet pour tenter de rendre à la Boucle de Juillet, son crédit honteusement dilapidé. Plaçant leur combat sur le terrain de l’éthique, ils ont entamé une croisade de moralisation dont on doit bien reconnaître l’inanité aujourd’hui, en dépit d’une chasse impitoyable menée contre les tricheurs, les apprentis-sorciers, les briseurs de rêve... Sur une idée de Jean-Marie Leblanc, dont les solides valeurs à l’ancienne rassuraient l’entourage, il fut demandé au benjamin des participants de prêter serment à l’heure du grand départ, de sorte de prémunir la course de tout manquement à l’éthique du sport. Noble et utopique gageure ! A nos émois candides, les Tours du XXIe siècle opposèrent une consternante évidence : quand le vice peut supplanter la vertu, les champions d’aujourd’hui n’ont pas d’états d’âme !

Surprises par la patrouille en flagrant délit de parjure, des têtes couronnées sont tombées, certaines jugées pourtant  inexpugnables. Ullrich, Basso, Hamilton, Sevilla ou Floyd Landis furent ainsi priés de retourner à la rue où ils devront assumer leur disgrâce. L’exemplarité de leur cas semblant garantir des lendemains difficiles à ceux qui persisteront dans la voie de la tricherie, on se prit à rêver d’une année 2007 sans fausses notes.  Désormais, nul ne se risquera plus à franchir la ligne blanche en s’abritant derrière son statut de leader pour s’assurer l’impunité ! Ce fut au contraire l’escalade dans l’inconscience et le gâchis ! Vinokourov, Kashechkin, puis Rasmussen vinrent grossir le peloton des bannis, ajoutant au trouble qui entoure la performance de Contador, le vainqueur final.
 
Il appartenait au Tour 2008 de faire oublier la triste édition 2007. Beltran, Duenas, Piepoli, Ricco en ont décidé autrement. Pour le jeune prodige italien, les dommages sont incommensurables. Il a berné tout un peuple, brisé son destin, trahi la Légende. On frémit à l’idée que son jeune âge aurait pu lui assigner le redoutable honneur de
prêter serment au nom de l’éthique réclamée par la direction du Tour. Un serment d’hypocrites !

2008
BLESSURES

Le magazine Planète Cyclisme s’est fait en peu de temps une jolie place dans le concert étriqué de la presse spécialisée. Il est vrai que la concurrence se faisant rare, la voie est passablement dégagée pour qui désire s’y engouffrer. Sans chercher à disserter sur les qualités et les défauts de ce périodique, qu’il nous soit permis de revenir sur le billet de – mauvaise – humeur signé par Armel Le Bescon dans son n°17. Le Tour y est présenté sous des oripeaux ringards, dans l’incapacité où il se trouve à s’adapter au nouveau millénaire. Il ne serait plus qu’une institution en sursis dont on tarde à percevoir le renouvellement des adorateurs, ceux-ci lassés par le sempiternel conflit des générations ! Soit ! Mais fallait-il, pour le stigmatiser, en passer par ces blessures volontaires infligées à notre belle langue française ? Fallait-il participer à l’appauvrissement de notre vocabulaire par l’emploi systématique d’anglicismes affreux – jokes, cheerleaders, coach, fireworks… – qui constituent, paraît-il, le cri de ralliement d’un jeune lectorat en mal d’identité ? Cautionner une telle alternative serait faire offense à Blondin et Chany, Fallet ou Nucéra, titans de notre littérature cycliste. Le Tour, trésor inestimable de notre patrimoine sportif et culturel, ne gagnerait que paillettes et apparats d’illusion à vendre son âme au diable au nom d’une mode détestable, cette « américanisation » contre nature aux vertus totalement infondées. Oserait-on suggérer pareillement au monde de la Chrétienté d’aller chercher dans les valeurs de l’islam la parade à l’essoufflement de son Eglise ? Que les « Ricains » comblent d’abord  le vide sidéral de leur culture cycliste !
Plus détestable encore, le couplet anti-Mangeas nous a profondément choqués. Nous côtoyons Daniel depuis plus de trente ans maintenant et nous n’avons pas le souvenir d’une seule intervention grasse et graveleuse, comme le laisse perfidement entendre le billet ! A chacune de ses exhibitions, tant aux départs qu’aux arrivées de courses, ce bateleur des temps modernes captive, envoûte, subjugue, sans jamais lasser, l’humour lui offrant d’exorciser sa crainte du blanc, sa hantise de la panne sèche, tout en instaurant avec son auditoire une connivence bonne enfant ! Le suivre dans ses pérégrinations conduit, on veut bien l’admettre, à goûter parfois les mêmes bons mots, mais c’est afficher beaucoup de mépris pour l’imposante cohorte de ses inconditionnels que de qualifier de stupides ses désormais célèbres reparties verbales. Le succès en librairie de son bouquin « Vivement le Tour » n’est, après tout, que l’expression de la gratitude d’un public dont il a su conquérir la chaude et fidèle amitié. Fallait-il dès lors puiser dans l’armoire aux venins ces quelques piques mesquines suintantes de jalousie ? Décidément, le génie des surdoués réveillera toujours chez les petits l’indicible conscience de leur médiocrité.

Ce n’était sans doute pas le but recherché par Armel Le Bescon, mais son papier aura rendu à leur amertume les nostalgiques des pages éclairées du Miroir du Cyclisme !

 

2008
LA COUPE EST VIDE !


Durant l’intersaison 2006-2007, Eurosport s’est approprié les 15 épreuves de la Coupe de France, et loin de s’en émouvoir, la Ligue du Cyclisme Professionnel Français – allez savoir pourquoi – lui accorda un blanc-seing, sans mesurer la perte incommensurable de l’exposition médiatique à laquelle les téléspectateurs s’étaient délicieusement habitués, du temps béni de Sport+. La mort dans l’âme, les aficionados savaient déjà que passeraient à la trappe les résumés de 30 à 45 mn remarquablement montés - et multi diffusés - de TOUTES les manches de cette Coupe de France, dénaturant un feuilleton désormais réduit à trois directs et à la vague promesse d’un rappel en images des épisodes précédents. Pour ce vol qualifié, les amoureux ce cyclisme auraient dû porter plainte !

Incapable de tenir ses engagements, Eurosport se gargarise aujourd’hui d’exposer les 15 épreuves sur son site Internet où des vidéos de quelques secondes sont sensées leur donner vie tout au long de l’année. Les réfractaires au Net et les internautes qui ne parviennent pas toujours à ouvrir un simple fichier apprécieront. Pour couronner le tout, l’édition 2007 s’est achevée dans l’indifférence générale, la finale de la Coupe pesant d’un poids ridicule face à des tournois de tennis de 4 e zone. Pourtant, les programmateurs avaient fait fort : ils avaient annoncé le direct pour le mercredi 10 octobre à 16h 30 ! Or Paris-Bourges se disputait le… jeudi 11 !

Face à ce bilan en forme de fiasco complet, Eurosport serait bien inspiré de restituer le produit de son larcin à Sport+ qui savait combler l’attente de la Ligue, des parraineurs et des téléspectateurs. Dans la chasse effrénée à l’audience, il n’est de toute façon pas sain qu’un ratage aussi flagrant fasse le lit de la concurrence. Mais, n’en jetons plus : la Coupe est… vide !

Septembre 2007
LA CHUTE DU "PUR" DE BERLIN


Enfant chéri des foules allemandes, star adulée par tout un peuple, Jan Ullrich a donc quitté le cyclisme actif par la plus petite des portes de sortie, de celles que l’on entrebâille pour que s’éclipse sans faire de vagues le paria qu’il était devenu. Lors d’une conférence de presse édulcorée, il a, le 26 février dernier, annoncé sa décision d’arrêter sa carrière, expression malheureuse en ce qui le concerne, car cette décision n’est pas sienne ; elle lui fut imposée par sa propre disgrâce.
Ici se ferme le livre de l’un des plus grands gâchis de l’histoire du vélo, celui d’un athlète rayonnant de force et de puissance, monté au pinacle par la presse germanophone en mal d’idoles et redescendu de son piédestal après dix années d’errance, de frasques, d’aberrations.

Or Jan ne peut s’en prendre qu’à lui-même ! Il avait oublié ce que la rude école de Berlin, dans la défunte Allemagne de l’Est, lui avait enseigné : le talent s’érode si le travail ne l’entretient pas et les victoires estivales se construisent en hiver. Et dire que sa collection de 2 e places rendrait presque caduc ce couplet moralisateur !
Bridé par son leader en 96, vaincu par le froid autant que par un grimpeur intouchable en 98, il a eu l’insigne malchance de voir se lever du côté d’Austin, au Texas, un phénomène rescapé du cancer, muscles de fer et moral d’acier au service d’un professionnalisme exacerbé, son antithèse en quelque sorte et que le Tour sublimait. Avec des "si", Jan aurait comblé les augures qui lui prédisaient une moisson record après son sacre de 1997 !

Reste un palmarès étincelant où trônent un titre olympique, trois titres mondiaux dont un conquis chez les Amateurs, une Vuelta, deux Tours de Suisse et quelques breloques dont beaucoup se contenteraient !
Il ne saurait être question de remettre en cause ses triomphes, sous couvert de l’émergence des affaires de dopage, pas plus que l’on ne peut retirer une seule perle aux couronnes de Coppi ou Anquetil qui firent en leur temps des aveux explicites, ni de Merckx, Ocaña, Fignon et tant d’autres sur qui, un jour, le piège des contrôles se referma.

Ce serait nier la génération talentueuse qui, ayant pris le sillage de l’enfant prodige de Merdingen, fait aujourd’hui l’orgueil de toute une nation.
« Je ne me suis jamais dopé. Je suis "clean" », continue de clamer l’idole avec des accents pathétiques. On lui accordera le droit de protéger sa virginité d’athlète derrière le bouclier de la présomption d’innocence : à nous, celui de déplorer que, de ce "pur" de Berlin, trop dure fut la chute !

Au moins pouvons-nous aujourd’hui préfigurer l’Histoire. Nous connaissons le portrait-robot du Champion du XXIe siècle : il a le moteur d’Ullrich et le mental d’Armstrong, la force brute de l’Allemand et le perfectionnisme du "Ricain". Ce surdoué-là gagnera toutes les courses… si d’ici 2100, il s’en dispute encore !

Avril 2007
L'INTEGRISME ET LA VERTU


Lorsque l’on veut se débarrasser de son chien, on dit qu’il a la rage. Cette idée nauséeuse, de celles qui poussent les rats à quitter le navire, a germé, semble-t-il, dans le cerveau des décideurs de France Télévision, si l’on en croit ces quelques lignes tirées du magazine Télé Câble Satellite Hebdo : "  Le patron de France Télévision, Charles Biétry, réfléchirait à une solution pour ne plus retransmettre le Tour de France, ne supportant plus le spectacle d’un sport gangrené par le dopage."
En d’autres occasions, les passionnés n’auraient accordé à cet entrefilet que le mépris que leur inspire sa stupidité, s’ils n’étaient ulcérés par son contenu diffamant et la discrimination méprisante qu’il sous-entend. Il n’y a pas si longtemps, le cyclisme sur route, de Paris–Roubaix au Tour de France, en passant par les championnats du monde, valait au service public qui le diffusait des taux cumulés d’audience à faire pâlir de jalousie les concepteurs d’émission racoleuses, synonyme de marché juteux. Suprême ingratitude, la Grande Boucle est aujourd’hui dans les cordes, sonnée, groggy, poussée vers le couloir de la honte où les condamnés à mort attendent d’un homme la décision de surseoir à son exécution.

Ainsi, pour avoir balayé devant sa porte, le cyclisme paye-t-il au prix fort, un courage qui fait défaut à tant d’autres disciplines. En 1988, Canal+ où sévissait Monsieur Biétry, s’était approprié la classique automnale  Paris- Tours, au grand dam des habitués des chaînes accessibles à tous. Grâce à une réalisation irréprochable, l’expérience connut un grand succès mais n’eut aucun prolongement : spectacle itinérant totalement gratuit, le sport cycliste ne pouvait se complaire dans la confidentialité d’une chaîne cryptée, interdite au petit peuple. Passé sur France Télévision, Charles Biétry solderait-il ses comptes avec le vélo au nom d’une dictature intolérable, fût-elle celle de la vertu ?

Si tel était le cas, les amoureux de sport sur le service public ont du souci à se faire ! Exit la boxe et ses combats arrangés ! Exit l’athlétisme et ses dieux gonflés aux hormones ! Exit le tennis et ses femmes frappant comme des mules ! Exit la gymnastique et ses poupées physiologiquement contrôlées ! Exit le hockey sur glace et ses pugilats de voyous ! Place nette serait faite au golf, cricket, polo, ces sports démocratiques où le fric a quand même une autre odeur que celui de la sueur.

Le football, lui, n’a rien à craindre : sport hautement moralisateur, sans dopage ni triche organisée, sans combines ni corruption, sans caisses noires ni passeports bidons, sans violence ni haine raciale, il est la passion de Monsieur Biétry ! Pour ce chevalier de l’intégrisme ne badinant pas avec la vertu, cet opium du peuple préservé du cancer et qui ne compte plus les morts victimes de ses débordements, offre un spectacle infiniment plus supportable que ces drogués de cyclistes allant chercher dans l’enfer du Galibier ou du Mont Ventoux…leur paradis ! le nôtre !

Mars 2001
NEUF MORTS SUR ORDONNANCES


- Tous les coureurs prennent la « bomba » ?
- Oui, tous, et ceux qui prétendent le contraire ne méritent pas que l’on parle de vélo avec eux !
- Vous, vous preniez la « bomba » ?
- Oui, chaque fois que c’était nécessaire !
- Et quand était-ce nécessaire ?
- Pratiquement tout le temps ! (Fausto Coppi, interview extraite du film : « Quando Volava l’Airone »).


Le Tour de France en état de choc s’est donc trouvé bien malgré lui dans l’œil du cyclone, à l’heure du 85 e envol de sa tumultueuse existence. Un séisme d’une amplitude à ce jour inégalée en a ébranlé les fondations presque centenaires et ce vénérable monument qu’on avait fini par croire immortel aura essuyé la plus éprouvante des tempêtes, l’un de ces typhons si dévastateurs qu’il incite les témoins impuissants à raser ce qui fut miraculeusement épargné pour mieux reconstruire et décourager l’horreur d’une récidive.
De l’affaire Festina – TVM, il restera une plaie béante que le temps ne cautérisera pas forcément. Mais, par son coup de pied dans la fourmilière, le SRPJ de Lille aura réveillé les – bonnes – consciences et ouvert les yeux de ce microcosme qui s’abrite si facilement derrière l’omerta et met à l’index les « traîtres » - hier, Simpson, Rachel Dard ou Thévenet ; Eddy Planckaert, Delion ou Pascal Lance aujourd’hui ! – qui braveraient l’interdit. Ne rien voir, ne rien entendre, et tout cautionner par des silences complices ! Il était temps de nettoyer les écuries d’Augias !
Nous ne jouerons ici ni les Tartuffe, ni les Candide ; d’autres, soudain descendus d’une planète lointaine, auront cyniquement épuisé leur venin à « découvrir » et s’émouvoir de certaines pratiques condamnables. Tout juste avouerons-nous notre peine sincère devant la détresse de neuf coureurs exclus du Tour de France sans avoir subi de contrôles positifs, neuf « morts » sur ordonnances, neuf victimes d’un système implacable gangrené par le profit de quelques-uns, neuf coupables de vouloir seulement nous faire rêver ! A n’importe quel prix !
Drapé dans une robe de vertu, le Tour joue les prudes hypocrites, mais il a la mémoire courte ! L’abandon des Pélissier à Coutances et leur diatribe immortalisée par Albert Londres, les regards hallucinés de Kubler au Ventoux et le coma de Malléjac préfigurant la tragédie Simpson, la mort lente de Roger Rivière, la mauvaise farce de Pollentier à l’Alpe, la tricherie de Delgado et l’étrange épidémie décimant la formation PDM : autant de sonnettes d’alarme que la Légende détournera à son profit ! Le Blaireau lui-même, à son corps défendant, alimenta la polémique lors d’une désertion que d’aucuns jugèrent suspecte. Relisez ces quelques lignes – qui n’engagent que leur signataire, NDLR – tirées du Mythe des Géants de la Route, une thèse estudiantine publiée aux Presses Universitaires de Grenoble. Jacques Calvet y écrit, page 208 : « Il était impossible (à l’auteur) de comprendre les raisons de l’abandon de Bernard Hinault dans le Tour 80 en n’en prenant connaissance que par les média. La seule chose certaine est qu’il ne s’agissait pas d’une banale histoire de tendinite à un genou . »

 

Octobre 1998
LES NOUVEAUX MONSTRES


L'impact disproportionné de nos médias modernes sur des esprits faibles devrait donner à réfléchir. Omnipotente, la télévision enfante des phénomènes dont elle ne contrôle plus certains effets pitoyables. Depuis quelques années, un "diable" allemand hante le Tour de France et d'autres hauts lieux du sport cycliste. Engoncé dans un accoutrement ridicule, cet énergumène armé d'un trident hurle sa passion aux coureurs sur quelques hectomètres judicieusement choisis, au risque, notez-le, de se prendre un jour les pieds dans la longue queue fourchue de son costume de démon. A chaque finale d'étape, les caméras le traquent. Il fait partie du paysage! Très vite, les commentateurs du direct lui ont manifesté leur sympathie et cautionné ses extravagances. On prétend même que sa présence sur certains critériums est aujourd'hui assurée par contrat!
Comme il fallait s'y attendre, l'hydre teuton a engendré de nouveaux monstres encouragés par tant d'indulgence complice. Désormais, tous les imbéciles de France et de Navarre se bousculent sur les routes du Tour dans une surenchère de déguisements grotesques, ayant parié leur salaire de juillet qu'ils apparaîtraient quelques secondes devant l'oeil des caméras. Sur les pentes de l'Alpe, ce fut le jour d'un "sioux", lequel faillit déséquilibrer Pantani! Avec un bel ensemble, les téléreporters, les mêmes qui s'amusaient des gesticulations clownesques du "diable", agonirent ce "chef indien" de leur mépris moralisateur et l'abreuvèrent d'un torrent de quolibets. Trop tard! Il fallait en son temps éradiquer le mal à la racine en détournant pudiquement mais ostensiblement les yeux. Ainsi aurait-on confiné le "diable" à l'anonymat qu'il n'aurait jamais dû quitter et tué dans l'oeuf les instincts primaires de ces pseudo-amoureux de Tour en mal d'exhibition. Le cyclisme sur route, sport dangereusement exposé, se doit de fermer la porte à l'insondable bêtise humaine. Car si le "sioux" est bien le fils du "diable", la raison commande que l'on étouffe dans l'urgence cette monstrueuse dynastie!

Fevrier 1998

     
 
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