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Mis à jour le 21-Déc-2011 9:57
 
 
 
 

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ODILE HOCHARD, UNE CYCLO INSATIABLE !

Le vélo l'a sorti de l'ombre

Atteinte d'une des maladies congénitales les plus graves et les plus précoces; la rétinite pigmentaire; depuis sa plus tendre enfance, Odile connaît des débuts douloureux. Il lui faudra des années avant d'accepter son handicap. Décidée à prendre le taureau par les cornes et à ne plus se lamenter sur son sort, Odile se découvre alors une passion pour le vélo. Transportée par la liberté qu'il lui apporte, elle le considère comme son échapatoire favorite.
Depuis, dès que le temps le lui permet, elle enfourche son tandem et part avec son pilote pour d'agréables balades. La première fois qu'elle décide de quitter son pâté de maisons, c'est pour rendre visite à ses parents qui vivent à une centaine de kilométres de chez elle en prévoyant de revenir le lendemain. Pari réussi !
Depuis, elle pratique le tandem cinq jours par semaine et totalise plus de vingt mille kilométres par an. Elle a à son actif: Strasbourg - Bruxelles (653 km), Paris - Brest - Paris (1280 km en 87h15), Berlin - Paris, Le Puy-en-Velay - St. Jacques de Compostelle, le Tour de France cyclo, le Mont Ventoux par les 4 faces, Berlin-Londres, la montagne du Lang Tang au Népal, l'ascension du Kilimanjaro, le desert Marocain. Elle fut, également, championne de France mixte handisport en 1996.
Parmi ses autres activités, elle pratique de la course à pied (50km/semaine), fait de la danse et s'est inscrite à des cours d'informatique.

Histoire d'un tandem et d'une non voyante

Année 2000, pédaler 20 000 kilométres, tel était mon slogan.
Si la forme, l'envie et le temps s'y prêtent, cela devait être possible.
Après le traditionnel 100 km du 1er janvier, les sorties se sont succédées. Quelques parcours dans la région, de jolies escapades au Luxembourg, des visites dans la famille, une cyclo-sportive, un brevet montagnard, une petite sorties Thionville-Paris-Longwy, bien préparé à l'entraînement, voilà plusieurs raisons pour accumuler les kilométres.
A chaque fois, de la découverte, mêlé à l'effort, me donne envie d'avancer, envie de vivre autre chose... de découvrir des paysages décrits par mes pilotes, parfois nous sommes tous les deux dans le brouillard, sous la pluie ou dans le vent, à une échelle temporelle, notre progression est plus lente, c'est encore un autre plaisir, j'ai le temps d'écouter le bruissement de l' environnement, parfois le silence revient et j'écoute ce que pourrait m'expliquer mon entourage... j'évolue dans une ville ou à la campagne...
J'oubliais cette sortie de Berlin-Paris en 13 jours, à but humanitaire, bien organisée, au milieu de ces tandems, comme les autres, le me bats pour qu'avance la recherche sur ma maladie. C'était une expérience très riche, au niveau culturel et au niveau rencontre, tous les soirs, après 110 km dans l'Allemagne, la Belgique, le Luxembourg, la France, un autre lieu pour dormir, au autre lieu pour le repas, chaque fois d'autres repères, j'ai aimé partager, écouter et pédaler à travers ces pays en compagnie d'autres non voyants et des pilotes qui ont eu fort à faire, car nous guider journellement, peut être inhabituel pour certain, j'attache de l'importance à toutes ces choses, car c'est Ma vie.
Les Deux Alpes, 2 semaines passées dans les montagnes, l'évasion complète, des jours de pluie, mais dans mon coeur, le soleil, quelques gouttes de sueur dépensées pour atteindre des sommets, pénible quelquefois, mais quelle joie et quel bonheur de pouvoir s'allonger dans l'herbe tout près du soleil en écoutant les clarines... en écoutant les cloches des églises, tous ces bruits qui montent de la vallée, que de souvenirs arrivé à l'étape du soir, les vêtements trempés, les faire sécher un par un sur un radiateur, à faire sécher les billets de banque sur le même radiateur, c'était l'étape où nous sommes montés au Col de la Madeleine, quel extase ! C'est aussi l'histoire d'un jour où nous sommes partis à 2 heures du matin pour 242 km et 9 sommets avec 4200 métres de denivelé. Le retour à 17h05, avec pour mon pilote un certain état de fatigue...
C'était un brevet montagnard, encore ce partage des difficultés et ces moments de bonheur. C'est aussi un aller retour Thionville-Strasbourg avec une sortie le dimanche avec le club de Strasbourg. Total: 490 kms.
Mois après mois, les kilométres s'accumulent pour faire 22 015 au 31 décembre, imaginez... Beaucoup d'automobilistes ne font pas cette distance avec leur voiture, pour moi c'est une découverte permanente.
Plusieurs pilotes m'ont accompagnés dans mes périples, chacun est différent, à moi de m'adapter à leurs habitudes, à leurs façons de rouler, à leurs explications sur un itinéraire, tous aussi charmants. C'est le partage de rires, des repas, mais aussi des mêmes galères. Merci à eux qui se reconnaîtront, pour leur patience, leur vigilance, pour piloter mon tandem.
Marchand de rêves au quotidien, souvenirs du temps qui passe, bonheur de partager dans ma vie le soleil de mes envies, chaleur aussi d'être en ce monde, dans la froideur de ma nuit éternelle, chacun de nous a des hobbies, le mien, c'est vivre au mieux mon quotidien, tandem, yoga, salle de sport et voyages.
L'echelle du temps et de l'espace sont incommensurables, moi je mesure chaque instant de bonheur, croyez-moi ce n'est pas toujours facile, mais je ne suis pas seule, merci à vous tous, par cet article j'ai partagé du temps avec vous, vous êtes aussi mes pilotes pour quelques instants...


Ma vie dans le noir ...ma passion dans la lumière : le sport.

Le résumé de ma vie dans le noir est « simple » : fermez les yeux pour toujours et …

Montez sur un tandem et laissez-vous rouler... Voici un col de montagne, appuyez sur les pédales très fort. Pendant combien de temps ? Vous l’ignorez puisque vous ne voyez pas la fin de la montée et votre pilote est trop concentré et essoufflé pour vous parler. Après la montée… la descente du col. Votre vie est entre les mains de votre pilote. Il crie « attention », vous êtes apeurée… Un obstacle, un trou, une voiture ??? Non il prévient un autre cycliste que l’on veut le doubler… mais je l’ignore, je ne vois pas…

Attachez-vous un élastique à votre poignet ainsi qu’à celui de votre guide et courrez… Faites confiance à un coureur qui vous guide en vous persuadant qu’il verra pour 2 et évitera : chaque trou, chaque obstacle, chaque branche d’arbre, chaque flaque d’eau, chaque crotte de chiens… Avec le temps, la complicité et la confiance s’établissent, mais une seconde d’inattention et c’est la chute… ou la frayeur. L’avantage est que je ne vois pas la tête des promeneurs qui voient 2 personnes attachées pour courir…

Je cours en fractionné, je suis concentrée et fatiguée… quelque chose me griffe la tête… c’est juste une branche d’arbre… mais je l’ignore, je ne vois pas…

Rendez-vous à la piscine… Entrez dans le labyrinthe des douches et cabines d’un centre aquatique… Mon seul repère, l’ouie, oublions-le. L’acoustique d’une piscine n’a jamais été réputée, les enfants crient, les maîtres nageurs hurlent les instructions aux nageurs, et j’ai un bonnet sur les oreilles… Alors je ne vois rien et entends mal… J’essaie d’aller le plus droit possible et me guidant avec les lignes d’eau… Un nageur me percute (ou l’inverse)… je voudrais m’excuser… mais à qui ? Je l’ignore, je ne vois pas…

Prenez votre courage à 1 seule main puisque l’autre devra tenir votre canne blanche… Mes pilotes travaillent, mes guides de course à pieds sont occupés et la piscine est fermée… la dernière solution qui s’offre à moi est : la salle de sport. Il y a 2 passages pour piétons et un carrefour à traverser et 800 m à parcourir… Mais pour moi, c’est un périple. Je traverse la route, le feu est-il vert ou rouge ? Je ne sais pas, je ne vois pas… Alors j’écoute si j’entends le moteur d’une voiture en espérant qu’un vélo n’arrive pas…

J’arrive au complexe sportif. J’attends qu’une personne qui me connaît me prenne par la main pour me diriger vers les vestiaires et ensuite me mette « en marche » le tapis roulant. On me colle un bout de ruban adhésif pour repérer le réglage de la vitesse… 1h30 s’écoule… Le tapis s’arrête… et j’attends qu’une personne qui me connaît me prenne par la main pour me diriger à nouveau vers les vestiaires. Envie d’aller aux toilettes… Inutile d’y songer… Crier au milieu d’une salle de sport ses envies pour que quelqu’un vous y dirige… non ! Et y aller seule… je ne peux pas, je ne vois pas…

Certes, être toujours accompagnée pour réaliser sa passion, c’est génial… Mais impossible de dire à votre guide ou pilote, « j’abandonne ! » … ou si c’est le cas, la déception est double… comme la motivation d’ailleurs. Et être toujours à la merci de quelqu’un et vous rendre disponible pour les gens qui veulent bien vous consacrer du temps est parfois usant.
Malgré cette réalité, j'ai beaucoup de chance d'être entourée et encouragée, c'est souvent un vrai partage et je profitte içi pour remercier mes guides, mes pilotes, mes amies et tous ceux qui me motivent. Je leur dis à bientôt.

Odile Hochard.

     
 
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